3 secrets pour transformer la colère et la rage afin d’avoir plus d’énergie

La colère envahit le corps avec une telle puissance assez pour attaquer quelqu’un ou se défendre, ou détruire si elle est réprimée. Comment pouvons-nous exploiter cette force? Voici la courte histoire de mon long chemin pour comprendre comment utiliser la colère afin d’avoir plus d’énergie.

Image: Егор Камелев

Image: Егор Камелев

Mon père était connu pour son tempérament. Vu son nom de famille, Trager, ses flambées de rage étaient appelées trages (qui contient le mot «rage»). Ayant perdu mon père quand j’avais huit ans, j’ai peu de souvenirs de mon temps passé avec lui. Les trages, cependant, demeurent étayées par les légendes familiales, évoquant à la fois une peur tremblante et une certaine fierté — quelle puissance il y avait dans ces moments!

secret n° 1 pour gérer la colère: La Conscience

En vieillissant, j’ai trouvé ma propre version des trages, avec une colère bouillonnant au plus profond de moi qui, telle une cocotte-minute, explosait de temps à autre. Parmi ses manifestations, des claquements de porte, des objets lancés à travers la pièce. Des cris. Des pleurs. Adieu la grâce et le calme, juste des réactions primitives alignées sur cette émotion primitive qu’est la colère.

Je suis d’accord avec les études qui ont identifié trois déclencheurs de colère:

  • lorsqu’il y a un décalage entre les attentes et la réalité;

  • lorsqu’il y a une menace perçue;

  • lorsque nous essayons de cacher d’autres émotions. Oui, la colère est une carapace protectrice, une distraction parfaite pour ne pas ressentir le reste.

La science lie la colère au circuit de récompense du cerveau. Elle fait partie de nos systèmes de protection. Avec la colère, l’amygdale libère de l’adrénaline, de la noradrénaline et de la testostérone — on ressent une précipitation, une sensation d’être gonflé·e à bloc, plus concentré·e et à l’abri de toute douleur. Que des bénéfices pendant plusieurs minutes.

Je me souviens très distinctement d’un excellent exemple de cette réponse extrêmement physique. J’avais vingt-deux ou vingt-trois ans et j’ai été escroquée sur un contrat. La rage était épique. À l’époque, je vivais sous les toits à Paris, au septième étage, sans ascenseur, avec une cage d’escalier bien raide. Je me souviens d’avoir couru à toute vitesse, enjambant deux marches à la fois sans m’arrêter jusqu’en haut. Puis de l’avoir fait encore et encore! Jusqu’à ce que je sois trop épuisée pour m’en soucier. Le tout alimenté par une trage.

Quand je me suis calmée, j’ai été fascinée par l’énergie de ce moment de rogne. Peu de temps après, j’ai commencé les arts martiaux. C’était ma façon de gérer les sensations physiques accablantes que j’avais en tant que personne qui, à l’époque, était assez en colère. J’ai commencé à chercher des moyens d’exploiter cette énergie. Tout a commencé par la prise de conscience.

J’ai appris par la suite que la colère et la peur libéraient à peu près les mêmes neurotransmetteurs, sauf que le premier augmente la température corporelle et le second la fait baisser.

Que lorsque nous sommes en colère, nous sommes plus impulsif·ve·s, sous-estimons les mauvais résultats et cherchons à blâmer les autres. Et nous pouvons ressentir un sentiment accru de motivation.

Que si vous êtes un homme, vous serez perçu comme puissant (ayant un statut social plus élevé), tandis que la femme en colère est considérée comme une hystérique incontrôlable.

Et que si quelqu’un d’autre est en colère ou fait sa crise (adulte ou enfant), la meilleure tactique est simplement de le/la laisser faire — généralement, en 20 minutes maximum, il/elle s’épuise. Bref, il vaut mieux ne rien faire. Même le fait d’intervenir pour demander ce qui ne va pas semble prolonger le processus.

secret n° 2 pour gérer la colère: L’intention

Heureusement, en plus de l’amygdale, nous avons un cortex préfrontal, qui s’occupe de la prise de décision et du raisonnement pour tempérer nos actions. Ainsi, nous pouvons être inondés de toutes sortes d’hormones qui nous préparent à nous battre ou à fuir, c’est le cortex préfrontal qui détermine si nous finissons par jurer, grimacer ou frapper.

Selon des études, il faut moins de deux secondes pour passer des réactions de colère initiales à une réponse plus mesurée du cortex préfrontal. Cela signifie que nous n’avons aucune excuse. Il y a du vrai dans cette histoire de compter jusqu’à dix lorsque vous sentez la colère monter.

Ainsi, avec la pratique des arts martiaux et la conscience de soi, j’ai pu compter jusqu’à dix. Et pourtant, l’énergie était toujours là, et j’explosais toujours de rage, je me tendais et frappais parfois le poing contre la table jusqu’à me faire mal. Comme si la fureur prenait possession de moi. Comme si un drame se préparait à tout moment.

Je me souviens de la première fois que mon futur mari a vu l’une de mes trages — et surtout de l’incompréhension dans ses yeux. À cet instant, j’ai vu très nettement que nous étions sur deux planètes différentes, et je voulais tellement que nous soyons sur la même.

«Cela n’a rien à voir avec toi,» ai-je réussi à laisser échapper. «Ça m’appartient. J’ai besoin de le faire sortir.»

Je ne pensais pas avec mes émotions, je les incarnais. Au moins, je savais qu’elles étaient de mon ressort.

J’ai ajouté la méditation à la pratique des arts martiaux. Je voulais mettre plus de distance entre moi et l’émotion. Me rendre compte, à l’intérieur, que je la ressens, mais je ne le suis pas. Être plus intentionnelle et utiliser ce foutu cortex préfrontal qui est le mien.

Secret n° 3 pour gérer la colère: l’alignement

Au fur et à mesure que j’avançais sur mon chemin de développement personnel, mes trages sont passées de manifestations physiques de colère à des expressions plus tempérées, souvent avec une série d’interjections bien choisies parmi le vocabulaire de ma langue maternelle, l’anglais.

Un jour, alors que ma fille avait trois ou quatre ans, j’ai entendu un bruit sourd dans la pièce voisine, quelque chose était tombé par terre. Puis j’ai entendu, de cette toute petite voix d’enfant, «F$%k, F$%k, F$%k.» En un éclair, j’ai senti mes joues rougir. Il n’y avait aucun doute de qui elle avait appris ça. Enfilant mon chapeau de parent, j’ai dit quelque chose comme: «Chérie, je comprends que tu te sentes en colère et frustrée. Ce sont des mots durs. Peux-tu trouver un autre moyen de l’exprimer?» C’est alors que j’ai entendu: «Sh*! Sh*! Sh*!» J’ai éclaté de rire. Nous en rions tous maintenant. Et pourtant, à ce moment-là, j’ai vu de manière très nette comment ma colère affectait les autres.

J’étais vraiment motivée pour trouver encore plus d’espace entre le déclencheur et la réaction, pour choisir une réponse différente lorsque je me mettais en colère, une réponse plus alignée avec mes choix.

Comment exploiter l’énergie de la colère

Heureusement, l’intelligence émotionnelle est une compétence que nous pouvons apprendre et maîtriser. Ou plutôt, c’est un voyage pour découvrir comment avoir des relations saines avec ses émotions afin de pouvoir les utiliser pour améliorer sa vie et pas le contraire. Et c’est beaucoup plus facile avec des émotions confortables comme l’amour et la gratitude, la compassion et le bonheur. Pourtant, ce sont les inconfortables comme la tristesse, la jalousie et la colère qui crient pour attirer notre attention. Plus on les évite, plus elles crient fort.

Voici quelques trucs et astuces que j’ai appris en cours de route.

  • La prise de conscience de nos émotions est essentielle. Plus nous sommes dans le moment présent, plus nous nous entraînons à nous observer et à comprendre comment nous déchargeons les émotions, plus nous les gérons habilement. Cela signifie prendre du recul pour voir le déroulement de l’histoire qui se passe dans nos têtes. Cela signifie aussi ressentir l’énergie et amener le cortex préfrontal à en faire quelque chose de choisi et d’aligné avec la personne qu’on a envie d’être.

  • Se lier d’amitié avec ses émotions fait des merveilles. Les voir avec curiosité et acceptation permet un autre type de relation. Cela implique de dissocier son identité de l’émotion montante, en la considérant comme une information et une énergie. Un simple changement de vocabulaire est étonnamment efficace: choisissez «je me sens en colère» plutôt que «je suis en colère».

  • Le stress est une canaille. Il annule complètement notre capacité à agir par choix. Gérer son stress et bien dormir contribuent fortement à l’intelligence émotionnelle.

  • Quand une mentalité de victime s’ajoute à une résistance à la réalité, c’est épuisant. Combien d’énergie dépensons-nous pour résister à notre colère parce que «nous ne sommes pas censés» ressentir cela? En effet, trouver un équilibre émotionnel nécessite de reconnaître la réalité de ce que nous vivons et d’assumer la responsabilité de la façon dont nous le manifestons.

  • Comme les muscles, plus on travaille une réponse émotionnelle, plus elle grandit. Si vous vous attardez sur la colère, elle grandit. Lorsque vous arrivez à transférer cette énergie vers un autre réseau neuronal, comme la compassion, au fil du temps, ce dernier se développe. La prochaine fois que vous êtes énervé·e contre un chauffard qui klaxonne, entraînez-vous à imaginer cette personne en train de se précipiter à l’hôpital pour une urgence. Votre réponse ne sera pas la même.

Finalement, l’objectif est d’élargir notre capacité à travailler avec une émotion donnée afin de pouvoir choisir si, comment et quand nous:

  • l’exprimons seul·e ou la partageons avec d’autres, pour ensuite la libérer;

  • exploitons l’énergie pour la diffuser dans des activités qui sont importantes pour nous;

  • la laissons simplement passer, sans rancune.

Pour y arriver, on doit être bien nourri et avoir bien dormi.

Un hack de gestion émotionnelle

Détendez les yeux. Détendez la langue (vraiment, c’est très efficace pour calmer l’esprit). Décidez d’accueillir l’expérience complète. Remarquez où dans votre corps vous ressentez l’émotion. Cela semble-t-il grand ou petit? Où sont les bords? Sont-ils nets ou flous? A-t-elle une couleur? Un poids? Un mouvement? Une texture?

Quelle est l’émotion? Soyez vraiment précis·e. Est-ce de la colère, est-ce de la frustration? De la rancœur? De l’hostilité? De l’irritation? De la fureur?

Continuez à explorer l’émotion avec curiosité et sans jugement. À quoi sert-elle? Qu’est-ce que vous allez en faire?

Résumé de comment transformer la colère en énergie

  • Ne vous fâchez pas contre la colère.

  • Ne prenez jamais rien personnellement, y compris votre propre colère.

  • Pensez à la façon dont vous voulez avoir un impact sur les autres et choisissez de le faire.