La face cachée du leadership : pourquoi l’empathie seule ne suffit pas
« Diriger avec empathie » : on l’entend partout. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment pour un leader aux prises avec le stress constant, le changement accéléré et la pression de rester pertinent ? L’empathie est-elle un simple mot à la mode, ou bien une véritable force à maîtriser ? Et comment montrer une attention sincère sans se laisser submerger émotionnellement ? Jetons un peu de clarté sur le sujet.
Je vois ces leaders ambitieux, tiraillés en secret par l’idée que poser des limites serait un luxe et que la performance exige forcément de tout sacrifier. L’empathie devient chez eux un étendard, portée avec fierté, même quand elle les épuise, freine leur capacité d’innovation et brouille leur vision stratégique. Pourtant, ils tiennent coûte que coûte.
Empathie ou compassion : l’équation énergétique du leadership
Certains super-pouvoirs humains sont autant des dons que des malédictions. Cette capacité à percevoir les émotions d’autrui nous permet de sentir l’ambiance d’une pièce, d’adapter notre façon de communiquer selon le ressenti de l’autre, de comprendre l’humain en face de soi. Mais si nous résonnons trop avec ces émotions, nous pouvons en être envahis, risquant de perdre en clarté. Est-il suffisant de « gérer » ses propres émotions, ou y a-t-il davantage à creuser ?
L’empathie, c’est éprouver ce que l’autre ressent. Partager la frustration ou la peur d’un collègue pendant un trimestre difficile peut renforcer la relation… ou nous coûter chère en énergie. C’est là qu’intervient la compassion. Elle associe empathie et action : reconnaître la difficulté, puis soutenir l'autre concrètement, sans se laisser happer par le problème.
La compassion mobilise des réseaux cérébraux proches, mais distincts de ceux de l’empathie. L’empathie active les circuits liés à la douleur, tandis que la compassion stimule ceux relatifs à l’attention et à la récompense, générant bienveillance et envie d’aider. Voilà pourquoi la compassion dynamise alors que l’empathie pure peut épuiser.
Le secret ? Privilégier un leadership à base de compassion, plutôt qu’une empathie incontrôlée. Le premier favorise la résilience et l’innovation, le second engendre épuisement et dispersion.
Pourquoi tant de collaborateurs doutent des intentions des dirigeants
Raj Sharma, chez Ernst & Young, le dit : « L'empathie est une qualité douce mais puissante, qui favorise la responsabilité et la collaboration. » Pourtant, selon une étude menée en 2023 par EY, 86 % des salariés estiment que l’empathie améliore le moral des équipes, mais plus de la moitié jugent les programmes d’empathie de leur entreprise comme peu sincères. De même, le Center for Compassionate Leadership indique que si 74 % des dirigeants se croient plus compatissants, seuls 48 % des collaborateurs ressentent réellement cette évolution.
Comment expliquer ce fossé ? Simplement : les paroles non suivies d’effets suscitent la méfiance. Il ne suffit pas de ressentir, il faut agir. Cela implique de passer de l’empathie à la compassion, et de bâtir des cultures où le soutien se traduit concrètement, avec régularité et transparence.
Votre « GPS » de la compassion : nature, culture et connaissance de soi
Empathie et compassion ne sont pas que des compétences transversales à développer ou pas. Elles sont en partie inscrites dans notre ADN. La recherche montre que 30 à 60 % de ce qui façonne notre empathie et notre compassion relève de facteurs génétiques : variantes du gène du récepteur à l’ocytocine, circuits de la dopamine, régulation de la sérotonine. Ces ingrédients biologiques influent sur notre sensibilité aux émotions d’autrui et notre envie d’agir.
Mais la génétique ne fait pas tout. Notre environnement, nos expériences de vie et une pratique intentionnelle sculptent cette capacité et la transforment en force de leadership.
C’est pourquoi j’utilise Meet Yourself™ auprès de mes clients. Ce bilan révèle vos potentiels génétiques, vos moteurs de pensée et vos compétences comportementales acquises. Par exemple, si vos gènes vous prédisposent à une conscience émotionnelle élevée, alors l’empathie est une force innée. Si vos aptitudes à communiquer et à poser des limites sont développées, vous pouvez manier cette empathie avec justesse, quels que soient vos gènes.
La compassion, elle, se relie au potentiel génétique de la générosité : offrir son aide sans se laisser envahir émotionnellement. Comprendre votre profil fournit des données précieuses pour gérer votre énergie avec précision.
Au bout du compte, plus vous cernez vos ressources naturelles et vos motivations, plus vous pouvez diriger avec empathie et compassion de façon durable, pour un impact réel.
La compassion pratique : de la sensibilité à une gestion ciblée de l’énergie
Être submergé par les émotions de son équipe n’est pas une faiblesse : c’est le signal d’une nécessaire remise à niveau. Une gestion radicale de l’énergie reste la clé d’un impact pérenne : récupérer intentionnellement, refaire le plein mental, intégrer des rituels validés par les sciences… voilà le socle d’un leadership de haut niveau, qui dose judicieusement empathie et compassion.
Voici quelques pistes pour allier cœur, clarté et énergie :
Optez pour l’empathie cognitive. Mettez-vous à la place de l’autre, non pas sur le plan émotionnel, mais conceptuellement. Changez de perspective, soyez clair sur votre rôle, pour appréhender les points de vue sans absorber la tempête émotionnelle. Les décisions restent justes, la présence, solide. Entrez dans une présence bienveillante et consciente : soutenez sincèrement, créez l’espace nécessaire, tout en préservant votre équilibre.
Transformez le ressenti en action. Écoutez d’abord activement. Soutenez en posant les bonnes questions, en reformulant les difficultés, ou en créant des espaces d’échange sûrs. Passez ensuite à l’action pour faire de l’empathie un levier stratégique plutôt qu’un poids affectif.
Privilégiez la vision à long terme. S’ancrer dans le moment présent crée un lien authentique avec autrui. L’empathie partage l’émotion du moment ; la compassion exprime l’engagement à durer et à alléger la souffrance. En pleine empathie, faites le choix consciemment d’une perspective plus large.
Cultivez votre courage. On le développe en affrontant régulièrement la difficulté. Il en faut pour accueillir des émotions inconfortables – et parfois, pour trancher et dire ce qu’il faut, même quand c’est dur. Vouloir « protéger » l’autre est un piège. Pensez franchise professionnelle, mais évitez l’honnêteté brutale.
Respectez vos essentiels non négociables. Reconstituez votre capital émotionnel par la méditation, le sommeil réparateur et l’activité physique. Diriger avec le cœur suppose une énergie durable, pas un sacrifice perpétuel.
Posez des limites émotionnelles. La compassion ne consiste pas à résoudre tous les problèmes des autres. Pour ne pas vous épuiser, apprenez à discerner quand intervenir, et quand déléguer ou orienter l’autre vers une solution.
Appuyez-vous sur vos pairs. Tissez des alliances avec d’autres leaders, qui comprennent l’effort émotionnel à fournir. Partager ses expériences diminue l’isolement et renforce la résilience.
Pourquoi le leadership avec compassion est un réel avantage
Enquête après étude, la conclusion est claire : un leadership mené avec compassion améliore l’engagement des équipes, l’innovation, le moral, la productivité, le sentiment de sécurité psychologique, et même l’avantage compétitif. Les collaborateurs déclarent une satisfaction professionnelle supérieure de 34 % et un taux d’épuisement moindre de 22 % sous un leader compatissant. Ceux qui travaillent avec des dirigeants jugés à la fois sages et compatissants affichent une satisfaction en hausse de 85 % et une baisse de l’épuisement de 64 % par rapport aux autres.
Diriger avec compassion, c’est prospérer dans la complexité et le changement.
Osez l’intention
L’invitation ici, c’est de dépasser l’activation occasionnelle de l’empathie. Comment optimiser l’empathie et la compassion pour diriger avec sens, impact et énergie durable ?
Imaginez votre posture de leader comme un écosystème vivant. Trop d’empathie sans limites peut conduire à l’effondrement. Une compassion équilibrée, elle, galvanise l’équipe et aiguise la concentration.
Quelle sera votre prochaine étape vers un leadership plus compatissant ? Comment recalibrer votre énergie pour maximiser votre impact aujourd’hui ?
“Il est important d’être un leader bienveillant. Mais il est tout aussi essentiel d’assurer l’exécution et de faire les choses difficiles. Il s’agit de faire ce qui est dur, mais de le faire avec humanité.”